dimanche 29 juin 2014

Les "Killers"


Etre un « killer », c’était le mot à la mode des dirigeants des maisons de disques, la bave aux dents, mais je n’appartenais pas à cette famille.

Je me souviens de réunions mensuelles dans un hôtel particulier cossu du XVIe arrondissement avec les dirigeants de Polygram, qui avaient racheté Island quelque temps auparavant. À la veille de l’une d’elles, une interview d’Alain Levy, président de cette société, était publiée dans un grand journal du soir. « Nous croyons aux artistes, à leurs carrières, nous prenons le temps ». À le lire, tout n’était fait que pour le bien de l’artiste, de sa musique et de son talent ; la seule vocation de Polygram, étant à l’image d’un Brassens ou d’un Brel, de bâtir des carrières à long terme, telle une mission pour le bien des artistes. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je constatai le cynisme de ces mêmes dirigeants, qui n’exigeaient et n’attendaient que le rendement financier le plus rapide possible, dans le but exclusif de transférer des fonds à la maison mère Philips et de l’aider à vendre ses articles électroménagers. Lorsque je m’aventurais à évoquer la nouvelle direction artistique de l’un de nos artistes en vogue, les Christians, tous les regards se portèrent vers moi, comme si j’avais prononcé les obscénités les plus grossières. Il n’était pas question d’albums ni de longues carrières, mais de compilations vite réalisées, de changements de packaging d’albums existants pour leur donner un aspect trompeur de « nouveautés ». Pas étonnant que le mariage Levy/Blackwell ne dura que quelques mois, ce dernier partant en claquant la porte pour redevenir le producteur indépendant qu’il avait toujours été.
 
extrait du livre "Yannick n'est pas Bob", disponible sur amazon.fr

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