Etre un « killer », c’était le
mot à la mode des dirigeants des maisons de disques, la bave aux dents, mais je
n’appartenais pas à cette famille.
Je me souviens de réunions mensuelles
dans un hôtel particulier cossu du XVIe arrondissement avec les
dirigeants de Polygram, qui avaient racheté Island quelque temps auparavant. À
la veille de l’une d’elles, une interview d’Alain Levy, président de cette
société, était publiée dans un grand journal du soir. « Nous croyons aux
artistes, à leurs carrières, nous prenons le temps ». À le lire, tout n’était fait que pour le bien de l’artiste, de sa
musique et de son talent ; la seule vocation de Polygram, étant à l’image
d’un Brassens ou d’un Brel, de bâtir des carrières à long terme, telle une
mission pour le bien des artistes. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je
constatai le cynisme de ces mêmes dirigeants, qui n’exigeaient et n’attendaient
que le rendement financier le plus rapide possible, dans le but exclusif de
transférer des fonds à la maison mère Philips et de l’aider à vendre ses
articles électroménagers. Lorsque je m’aventurais à évoquer la nouvelle
direction artistique de l’un de nos artistes en vogue, les Christians, tous les
regards se portèrent vers moi, comme si j’avais prononcé les obscénités les
plus grossières. Il n’était pas question d’albums ni de longues carrières, mais
de compilations vite réalisées, de changements de packaging d’albums existants
pour leur donner un aspect trompeur de « nouveautés ». Pas étonnant
que le mariage Levy/Blackwell ne dura que quelques mois, ce dernier partant en
claquant la porte pour redevenir le producteur indépendant qu’il avait toujours
été.
extrait du livre "Yannick n'est pas Bob", disponible sur amazon.fr
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