Nous l’avions reçu quelques semaines auparavant et étions
enthousiastes à l’écoute de ce disque qui allait marquer le véritable début de sa
carrière.
Dans la pièce où nous accueillions les journalistes j’avais
fait installer une petite « chaine stéréo » comme elles étaient
appelées à cette époque et déposé sur
une petite table ronde dossiers de presse et photos officielles. Un petit
bouquet de fleurs que j’avais pris le soin d’acheter juste avant d’arriver à
l’hôtel complétait notre espace de travail qui côtoyait la chambre de Marianne.
A la fin de chaque face du disque 33tours posé sur la platine, inlassablement je
me levais, le retournais et reposais l’aiguille du pick-up au commencement de
la nouvelle face. Je me rappelle ne m’etre jamais lassé de cette écoute en
continu tellement j’aimais cet album. Le titre principal dont nous espérions
tant que les radios le joue s’appelait « The Ballad of Lucy Jordan »
et à chaque fois que j’entendais les
paroles,
At the age of thirty-seven she realised she'd never
Ride through Paris in a sports car with the warm wind
in her hair
The Ballad Of Lucy
Jordan lyrics © T.R.O. INC.
mon regard se deportait sur les rideaux derriere lesquels je
devinais le boulevard des Capucines d’où s’échappaient les sons de la vie
quotidienne, et un court moment, intemporel, féerique, prenait place.
La journée qui avait commencé tôt le matin se déroula dans
cette unique pièce ou se succédèrent les journalistes jusqu’à tard dans la
soirée. Entre chaque interviews Marianne prenait le temps de parler avec moi de
politique, musique, cinéma, de la France, elle était curieuse de tout. Heureuse
de l’attention qui lui était portée, très fière de son disque, elle semblait néanmoins
un peu surprise mais agréablement, de l’engouement de tous réservé à la qualité
artistique de « Broken English ».
A la fin de cette journée, la nuit déjà tombée, nous écoutâmes une nouvelle fois « The
Ballad of Lucy Jordan » mais je réalisais immédiatement qu’il ne s’agissait plus de la version du
disque posé sur la chaine à coté de nous, mais bien d’un passage à la radio, le
tout premier, qui clôturais ainsi cette journée, lui donnait un sens, une
réalité. Levé d’un bond et tellement exalté j’arrivais à peine à me faire comprendre, lui
expliquer « c’est la radio, it’s the radio, yes, radio… » Quand elle
réalisa, un éclair de bonheur traversa son visage lumineux et je crois me
souvenir m’etre jeté dans ses bras. Je me rappelle qu’il s’agissait de la
station Parisienne FIP, et pour l’éternité je lui suis redevable de ce moment d’ivresse
naturelle. Plus un seul journaliste n’étant attendu, je devais prendre congé,
la laisser se préparer à sa soirée Parisienne où elle comptait de nombreux amis.
Repliant photos, dossiers de presse je l’appelais pour lui dire au revoir, très
ému de cette journée passée en compagnie. A mon « good bye » elle
m’appela dans sa chambre, et complètement déshabillée devant moi, en toute
simplicité, elle me dit ce qui me semblait etre un « au-revoir » en
français. Tout vacilla pendant ces quelques secondes, dixièmes de secondes, je me
retirais de la pièce les sens bouleversés. N’étais-je qu’un simple employé de
sa maison de disques ou bien un lien plus fort s’était-il crée ? Encore aujourd’hui
je ne conserve que le seul souvenir de
Marianne écoutant a la radio la ballade de
Lucy Jordan « Ride through Paris in a sports car with the warm wind in her hair »
et cette douzaine d’heures passées dans
cette chambre du Grand Hôtel à Paris avec cette si jolie femme, artiste
magnifique .
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